Un nouvel indice mondial révèle que neuf pays sur dix à l’échelle mondiale mettent en place des politiques qui risquent d’augmenter les inégalités économiques.
D’après un nouveau rapport publié conjointement par Oxfam et Development Finance International (DFI), 94 % des pays africains (44 pays sur 47) disposant actuellement de prêts de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international (FMI) ont réduit les investissements dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé et la protection sociale au cours des deux dernières années.
« Les politiques d'austérité empruntées au manuel des années 1980 nous ont fait reculer de plusieurs années dans la lutte contre les inégalités dans presque tous les pays africains. Ces politiques désastreuses et anti-développement poussent les gouvernements à faire le choix tortueux entre investir dans l'éducation et la santé ou payer une dette galopante », dénonce Fati N’Zi-Hassane, directrice d’Oxfam en Afrique
« Si nous nous réjouissons que la Banque mondiale et le FMI reconnaissent que les niveaux d'inégalité devraient être un sujet de préoccupation, ils doivent joindre le geste à la parole en aidant les pays à affecter les ressources là où elles sont le plus nécessaires. Toute inaction supplémentaire continuera à creuser le fossé entre les riches et ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier dans les régions les plus inégalitaires du monde telles que l'Afrique », ajoute Fati N’ZI-Hassane.
En 2023, sous la pression croissante des économistes, des actionnaires et de la société civile, la Banque mondiale a introduit pour la première fois un nouvel “indicateur de vision” destiné à réduire le nombre de pays à inégalités élevées (c’est-à-dire ayant un indice Gini supérieur ou égal à 0,4). Malgré cette avancée, la Banque mondiale a modéré ses précédents engagements en faveur des politiques fiscales progressives comme la taxation des ultrariches. La lutte contre les inégalités n'a pas encore été intégrée dans le cadre politique de la prochaine reconstitution de l'Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale, qui accorde des subventions ou des prêts à faible taux d'intérêt aux pays les plus pauvres du monde, dont plus de la moitié se trouvent en Afrique. Les inégalités sont élevées ou en hausse dans 54% des pays qui reçoivent des fonds de l'IDA.
L’indice de l’engagement à la réduction les inégalités (CRI) 2024 évalue 164 États classés en fonction de leurs politiques en matière de services publics, d’impôts et de droits des travailleurs et travailleuses. Selon l'édition de cette année, 9 gouvernements africains sur 10 (89 %) ont reculé dans un ou plusieurs domaines essentiels depuis 2022.
Outre la réduction des investissements dans l'éducation, la santé et la protection sociale, 4 pays africains sur 5 (79 %) ont affaibli la capacité de leur système fiscal à réduire les inégalités, et dans 89 % d’entre eux, le droit du travail et le salaire minimum se sont dégradés.
Dans l'indice CRI, huit des dix pays les moins performants sont africains. Le continent présente l'inégalité des salaires la plus élevée au monde, ce qui reflète des niveaux élevés d'emploi vulnérable. Sept pays africains (Burundi, Éthiopie, Ouganda, Rwanda, Somalie, Soudan du Sud, et Zimbabwe) n'ont pas de salaire minimum ou ne l'ont pas actualisé depuis plus de 20 ans. La République centrafricaine a considérablement réduit ses investissements dans le domaine de la santé, alors que seul un tiers de la population du pays est couvert par les services de santé essentiels.
Certains pays ont amélioré leur classement depuis 2022. Le Burkina Faso a augmenté son salaire minimum et la Sierra Leone a introduit de nouvelles lois sur l'égalité salariale et la non-discrimination sexuelle à l'embauche. L'Ouganda a augmenté son budget santé de 29 % depuis 2021.
Outre la faiblesse des recettes fiscales, la crise de la dette, les conflits et le dérèglement climatique détournent les rares ressources disponibles des secteurs de l’éducation, de la santé et des réseaux de sécurité sociale. Les pays à revenu faible et intermédiaire consacrent en moyenne 48 % de leur budget au service de la dette, qui dépasse largement le total des sommes allouées à l’éducation et à la santé. Cinq pays africains figurant parmi les dix pays les moins performants de l'indice CRI (Burundi, Liberia, Sierra Leone, Sud-Soudan et Zimbabwe) sont en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement.
Augmenter les impôts sur les revenus et la fortune des ultrariches permettrait de collecter des milliers de milliards de dollars pour combler les déficits de financement des services publics dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Lors de la réunion des ministres des Finances du G20 qui s’est tenue en juillet 2024, pour la première fois dans l'histoire, les plus grandes économies du monde ont accepté de coopérer pour taxer les ultrariches. Cette initiative a été saluée par le président de la Banque mondiale, Ajay Banga.
Le rapport exhorte les gouvernements africains à s'engager à mobiliser les recettes nationales par le biais d'une fiscalité progressive et à donner la priorité à l'investissement dans les services publics, notamment dans les secteurs de lutte contre les inégalités tels que l'éducation, la santé et la protection sociale.
« L’index du CRI montre que la lutte contre les inégalités ne relève pas seulement de la responsabilité des institutions financières mondiales, mais que les choix politiques faits par les gouvernements peuvent faire une différence significative dans la vie des gens », a déclaré Mme N'Zi-Hassane.
Victor Oluoch | victor.oluoch@oxfam.org | +254 721 571873
Simon Trepanier for Oxfam in Africa | simon.trepanier@oxfam.org | +39 388 850 9970
- Télécharger L'Indice de l’engagement à réduire les inégalités (CRI) 2024 d'Oxfam et de DFI à l'adresse suivante : www.inequalityindex.org
- Selon les recherches d'Oxfam, les inégalités sont élevées ou en hausse dans 25 des pays (soit 54 %) qui reçoivent des fonds de l'IDA.
- Un investissement important de la Banque mondiale est nécessaire pour améliorer efficacement et rapidement les données sur les inégalités, notamment celles liées aux revenus et à la fortune des plus riches. Pour plus de 100 pays, les données les plus récentes disponibles datent de 2019 ou d'avant, c'est-à-dire qu’elles ne prennent pas en compte les cinq dernières années marquées par un contexte de crise.