Soudan du Sud : dans le comté de Pibor, la population contrainte de se nourrir de légumes sauvages alors que la crise alimentaire s'aggrave

Les habitants du comté de Pibor, au Soudan du Sud, sont contraints de manger des légumes sauvages et des dattes du désert pour survivre, alors que le nombre de personnes mourant de faim augmente. Oxfam alerte sur le fait que la situation risque de s’aggraver car les pluies torrentielles entravent gravement les vols humanitaires et que l’on s’attend à ce que la prochaine saison des pluies atteigne des niveaux record et décime les cultures.

 Plus de la moitié des Sud-Soudanais - plus de 7 millions de personnes - est actuellement confrontée à une faim extrême, dont près de 79 000 personnes se trouvent en situation d'insécurité alimentaire catastrophique. Cela représente plus du double par rapport à l'année dernière.

Manenji Mangundu, directeur d'Oxfam au Soudan du Sud, a déclaré : « Des milliers de personnes souffrent de la faim et les enfants sont gravement sous-alimentés. De nombreuses personnes passent des jours sans rien manger. Rien qu’au cours du mois de juillet, plus de 12 personnes sont mortes de faim».

« La situation va indéniablement s’aggraver. Les premières inondations ont déjà eu lieu et on s’attend à ce qu’il y en ait d’autres car toutes les prévisions indiquent que cette saison des pluies (juin-septembre) sera intense. Elle qui risque de décimer les récoltes et de pousser environ 3,3 millions de personnes déjà vulnérables à un point de rupture ».

Guerre, inflation, crise climatique, trois facteurs aggravant la faim

Le Soudan du Sud continue de souffrir des effets de la crise climatique, dont les inondations et les sécheresses plus fréquentes et plus intenses sont les manifestations. Plus de 70 % du pays, y compris la région de Pibor, a été touché par des inondations au cours des six dernières années. Cette situation est aggravée par la crise économique et le conflit en cours au Soudan voisin, qui exacerbe la crise de la faim à travers le Soudan du Sud. 

De plus, ces multiples facteurs ont entraîné la dévaluation de la monnaie sud-soudanaise et déclenché une inflation des produits alimentaires, la plus élevée qu’ait connu le pays depuis l'indépendance (164 %) d’après la Banque mondiale, ce qui rend l'accès à la nourriture plus difficile pour la population. Les prix des aliments de base tels que le blé, le sorgho, l'huile et la farine ont tous augmenté, certains d'entre eux ayant plus que triplé depuis mars de cette année.

Adau Nyok, qui vit à Juba, la capitale, témoigne : « Il y a trois mois, j'achetais 10 kg de farine pour 3 500 SSP (2 dollars). Aujourd'hui, elle me coûte 15 000 SSP (9,3 USD). Malheureusement, les prix ne cessent d'augmenter et nous ne pouvons plus nous le permettre.»

Au cours de leurs interventions humanitaires, les équipes d’Oxfam et de ses partenaires (qui apportent une assistance sous forme de cash, de nourriture, d’eau potable et d’installations sanitaires) ont rencontré plusieurs familles ayant perdu leurs enfants à cause de la faim.  Rebecca Korok Nyarek, qui a perdu son jeune neveu, a déclaré :

«J'ai perdu mon neveu à cause de la faim. Il n'avait que 15 ans. Les gens sont affamés, nous sommes contraints de manger des fruits sauvages, qui deviennent de plus en plus rares à cause des intempéries. Nous allons souvent nous coucher le ventre vide.» 

Quatorze mois après le début du conflit au Soudan, plus de 750 000 personnes ont fui vers le Soudan du Sud où elles sont confrontées à des conditions catastrophiques. Les centres de transit de Renk et de Malakal, conçus pour accueillir 4 000 personnes, abritent aujourd'hui un nombre de personnes cinq fois supérieur à leur capacité d’accueil.

La situation est particulièrement grave pour les réfugiés qui fuient vers le Soudan du Sud car ils vivent aux côtés de communautés déjà confrontées à une faim extrême alors que les moyens humanitaires pour faire face à une telle crise sont loin d’être suffisants. Oxfam s’inquiète du fait que l'appel à l’aide humanitaire de l’Onu pour le Soudan du Sud n’est financé qu’à hauteur de 28%, sept mois après son lancement en janvier dernier.

La malnutrition infantile augmente rapidement dans les camps de transit surpeuplés qui jouxtent la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud, exacerbant la crise, tandis que l’on assiste au retrait d’agences humanitaires en raison du manque de financement.

Aisha, une réfugiée soudanaise de Khartoum, a fui sa maison avec ses enfants après que son mari ait été tué dans son magasin : « Nous sommes arrivés ici et bien que les combats sont loin de nous à présent, nos enfants ont faim. La plupart du temps, nous dormons le ventre vide et il arrive que les pluies emportent nos tentes», témoigne Aisha.

Oxfam a besoin d'urgence de 15 millions de dollars pour intensifier ses opérations et sauver des personnes menacées par la guerre, les inondations et la faim. Oxfam appelle les bailleurs internationaux à financer le plan d’aide de l’ONU. « Sans une aide urgente, nous risquons de perdre de nombreuses vies. Une aide humanitaire retardée est une aide refusée, les donateurs doivent agir maintenant », déclare l’organisation.